Quand on pense à l’entretien d’un jardin ou d’un aménagement paysager, on pense souvent au temps que ça exige, et à la difficulté de certaines tâches. Pourtant, la permaculture nous invite à un mode de gestion des attentes différent.
Par les tâches d’entretien, que recherche-t-on vraiment à obtenir? Pourquoi les fait-on? De quoi a-t-on réellement besoin? Il est important de se questionner sur nos objectif derrière chaque action et mesurer les résultats de nos actions, pour savoir si on est vraiment en train de faire les choses importantes.
(Avis: À la fin de l’article, vous trouverez une liste d’entretien et d’usage= des plantes utiles en permaculture et rustiques pour l’Abitibi-Témiscamingue, que j’ai utilisé dans mes forêts nourricières publiques).
De nos jours, rares sont ceux qui sont insensibles aux menaces des changements climatiques. Tout le monde voudrait faire le plus de gestes possibles pour en réduire les conséquences, mais le manque de temps rend cette tâche très difficile.
On le sait, un des axes très porteur dans l’action environnementale, c’est la production locale de nourriture. Il est primordial de faire toujours des pas de plus vers une plus grande autonomie alimentaire.
Forêt nourricière : solution contre la crise écologique et le manque de temps
Le modèle de jardinage de la forêt nourricière est une réponse à ces deux enjeux :puisque nous devons produire de la nourriture en ayant peu de temps pour entretenir, pourquoi ne pas utiliser ce manque de temps pour nous obliger à faire les choses autrement?
Action multiplicatrice
Quand le temps est compté, on cherche généralement à être plus productif en réalisant plus d’une action en même temps : c’est la quête des multiplicateurs de temps. S’impliquer dans un projet de forêt nourricière est un engagement écologique, tout en étant une action pour réduire votre facture d’épicerie. Et on ne parle même pas ici de tous les autres bénéfices sur la santé personnelle et communautaire. Ce genre d’action, même quand on n’a pas l’impression de voir ses résultats immédiatement, a un impact très positif dans notre vie.
En plus, entretenir un jardin-forêt avec les principes des permaculture est encore plus écologique et facilitant qu’un potager biologique.
La clé réside cependant dans l’adaptation de nos attentes de rendement et dans une intervention adéquate.
Entretien d’un jardin-forêt
La caractéristique principale de la forêt nourricière qui change complètement les tâches d’entretien, c’est l’utilisation de plantes vivaces dans les aménagements. Grâce à leurs racines, qui ne meurent pas l’hiver, et qui continuent toujours de grandir plus au printemps, les vivaces développent de plus en plus d’actions positivement structurantes sur leur environnement, et nous permettre de profiter des bénéfices de leur travail.
Flexibilité du calendrier d’entretien
La plus grande différence entre la gestion d’une forêt nourricière et celle d’un potager, c’est la plus grande flexibilité des échéanciers.
Dans une saison de culture, surtout courte comme au Québec, si on démarre nos semis et qu’on les transplante au jardin trop tard, ce sera difficile, voire impossible d’avoir des récoltes.
En forêt nourricière, si on exclut la tâche du semis, faite seulement au démarrage du projet – si on veut les produire soi-même (ou quand on veut agrandir en ajoutant des plantes), il y a peu de moments où il est obligatoire de faire des actions, chaque année, de manière récurrente.
Sauf en cas d’intervention d’une maladie ou d’un ravageur spécifiques (ce qui arrivent moins dans une forêt nourricière, et a moins de gravité dans le cas où cela se produit, puisque la production est très diversifiée), les tâches peuvent s’étaler sur toute la saison, voire mêmes sur plusieurs années. Par exemple, il m’est déjà arrivée de n’avoir pas le temps de désherber pendant un été complet : l’année suivante, j’ai du en rattrapé un peu plus, mais les plantes ont continué leur vie malgré tout.
Tâches multi-fonctions
C’est plus motivant d’exécuter certaines tâches lorsqu’on sait qu’elles ont plusieurs utilités à la fois et créent même des cercles vertueux! Quelles sont ces tâches et leurs fonctions?
Irriguer de manière limitée
Sauf lors des premières semaines après l’implantation d’une plante, les vivaces, sauf exception, n’ont pas besoin d’être arrosée. Les racines sont encouragées à explorer toujours plus profondément le sol pour puiser de l’eau infiltrée.
En permaculture, on considère le sol comme le meilleure réservoir d’eau qui soit. On peut améliorer la capacité de rétention de ce réservoir en implantant des plantes vivaces : leurs racines retiennent les particules de sol en place et diminue l’érosion, notamment, de la matière organique dans le sol. Et cette matière organique a la capacité de s’imbiber d’eau et conserver l’humidité du sol.
Taille stratégique
Les approches récentes encourage le moins de taille possible sur les plantes ligneuses (arbres et arbustes), notamment parce qu’une plaie de coupe est une porte d’infiltration pour les maladies. Si on laisse les arbres pousser selon leur port naturel, la taille primordiale se limite donc à l’élimination des branches malades ou dangereuses (exemple: dans un chemin ou cassées).
Il est possible de faire plus de taille pour augmenter la production de certaines espèces, dont plusieurs arbres fruitiers : par contre, en forêt nourricière, on peut gérer nos attentes de rendement différemment et laisser davantage la nature faire. Même s’il peut arriver qu’on récolte peu, on a fournit aucun effort, alors ce n’est pas très décevant! Parfois, Dame Nature nous fait de belles surprises avec une production plus grande.
Chop and drop ou « Couper-déposer »pour améliorer la fertilité
Cela dit, dans certains cas, on va quand même choisir de tailler certaines arbres et arbustes, mais ce sera pour une triple fonction : en plus de 1) augmenter la production, on va 2) augmenter le processus de photosynthèse et donc de captage de carbone dans le sol (donc diminuer la pollution atmosphérique), tout en 3) augmentant la fertilité du sol, par les branches taillées qu’on taille en plus petit morceaux, grossièrement, au sécateur et qu’on laisse sur le sol du jardin en guise de paillis (c’est la méthode du couper-déposer)
On taille principalement les arbustes fixatrices d’azote, qui vont fournir un paillis beaucoup plus nourrissant en azote, mais on peut tailler tout type de plante qui n’est pas trop sensible, car elles contiennent toutes des nutriments importants.
Il est intéressant de savoir qu’en permaculture, on taille aussi beaucoup de plantes herbacées, en particulier les accumulatrices de minéraux, et qu’elles séquestraient même encore plus rapidement le carbone que les plantes ligneuses.
Chaque fois qu’on pratique le couper-déposer, que ce soit avec des branches et/ou feuilles d’une plantes, on agit également sur la capacité de rétention d’eau dans le sol, puisqu’on ajoute de la matière organique.
Désherber sans viser la perfection
Le désherbage peut être grandement diminuer si on connait les moments et endroits clés à surveiller, où les herbes adventices pourraient avoir un impact plus négatif sur les cultures. Dans les autres situations, on peut simplement apprendre à fermer les yeux, sans trop de craintes, car les plantes vivaces ne seront généralement pas autant affectées par la compétition que les plantes potagères.
Voici les situations ou les endroits où un bon suivi du désherbage sera plus important:
- Les 2 premières années d’implantation d’une forêt nourricière, en particulier autour des jeunes arbres ou arbustes (en essayant de retirer les racines).
- Les plantes poussant à l’intérieur ou très près d’une plante plus fragile à la compétition.
- Les graminées (ex: chiendent) et les renoncules, qui sont plus compétitives qui prennent vite de l’ampleur en largeur et en hauteur.
- Les plantes qui deviennent très rigides en vieillissant, difficiles à retirer même en les coupant au sol ou avec un outil de désherbage.
On peut aussi apprendre à voir autrement les « mauvaises herbes ». Plus haut, on disait de « fermer les yeux » sur l’esthétisme, mais en fait, on pourrait plutôt conseiller d’ « ouvrir » les yeux, car il y a des trésors nutritifs ou médicinaux parmi ces herbes adventices que chacun gagne à découvrir! Par exemple, le laiteron des champs est très envahissant, mais ses feuilles sont comestibles et excellentes en salade, grâce à leur goût très doux, très près d’une laitue annuelle. Il faut idéalement les récolter jeunes, avant que les petits piquants sur les pourtours des feuilles nécessitent d’être retirés (ce qui est plus long à cuisiner).
Finalement, on se rappelle l’importance du « couper-déposer » et de poser des gestes à plusieurs utilités. À partir de la troisième année, en désherbant, on peut retirer seulement la plus grande partie des feuilles accessibles, sans retirer les racines, et en profiter pour laisser les feuilles coupées sur place, ce qui agit en même temps comme fertilisation.
Protection contre le froid rarement utile
Si vous avez bien fait vos devoirs, vous aurez choisi vos plantes vivaces en fonction de leur zone de rusticité, afin qu’elles résistent à la rudesse de votre climat. Dans ce cas, les plantes n’ont pas besoin de protection hivernale.
De plus, plusieurs herbacées nous offrent encore des récoltes de feuillages ou de fruits après plusieurs gels, on peut donc généralement en profiter très longtemps sans aucun apport de chaleur.
Et même lorsque le feuillage finit par mourir, puisque ce sont des plantes vivaces, nous savons que leurs racines survivront à l’hiver et referont du nouveau feuillage au printemps.
Objectifs, motivation et mieux-être
Un bon design de notre projet, de notre aménagement, bien aligné sur nos objectifs, permet d’arriver plus facilement à vivre de la satisfaction qui motive nos actions de manière durable.
Si nous souhaitons une plus grosse production alimentaire, nous devrons fournir les efforts d’entretien de manière proportionnelle. Si plutôt nous préférons jardiner pour la planète, nous pouvons davantage nous laisser aller dans la simplicité d’entretien permise par la forêt nourricière.
On peut même ajouter une 3e couche d’intégration à ces mêmes gestes d’entretien, celle du mieux-être personnel. En effet, l’entretien est un moment de calme tout indiqué pour observer les besoins de notre aménagement, en même temps que nos propres besoins humains.
Nous pouvons donc développer la pratique de la pleine conscience à travers les tâches d’entretien. Tout en étant potentiellement thérapeutique, selon notre situation, cela peut aussi nous aider à accroitre notre productivité, car passer du temps au grand air régénère notre faculté d’attention.
Peu importe notre décision, il demeure que ces mêmes gestes contribuent en permanence à ces trois objectifs (production, compensation carbone et santé mentale et physique), mais à des degrés variables selon nos objectifs.
Alors, quand débuterez-vous votre tournée d’entretien méditative, productive et militante écologique?
Pour aller plus loin
Pour découvrir quelles plantes utiliser et comment s’en servir, consultez cette liste de plantes utiles en permaculture en Abitibi-Témiscamingue. De plus, vous verrez les plantes en photos dans cette galerie.
Pour approfondir la conception, la planification et l’entretien d’une forêt nourricière, consultez ce guide produit pour la Ville de Québec en collaboration avec Wen Rolland, de Design écologique.