Incroyable Comestible : une sorte de jardin partagé

Jardins à partager : classification des types de projets

Avec la crise de la COVID-19, il me semble que j’ai vu le nombre d’initiatives de projets rassembleurs se multiplier, et en particulier ceux qui intègrent un jardin ou un volet d’agriculture urbaine, où la production de nourriture locale est une priorité.

Je me trompe peut-être, mais je crois que ce n’est pas juste une mode. C’est évident que mon attention est très orientée envers ce type de projets, donc peut-être que le portrait que je m’en fais n’est pas conforme à la réalité. Je ne peux quand même pas m’empêcher de penser (et d’espérer!) que la volonté des gens de se rapprocher des aspects essentiels de la vie – comme la vie communautaire et la proximité avec la nature, notre source de nourriture – est réellement en expansion.

J’ai eu la chance d’initier ou de faire partie, de près ou de loin, de quelques-uns de ces projets dans les dernières années. Plusieurs personnes me parlent également de leurs projets futurs. À force de baigner dans cet univers, je constate fréquemment une sorte de confusion dans l’esprit des gens entre ces différents types de projets de jardinage en groupe. 

D’ailleurs, en septembre 2018, j’ai aussi eu l’occasion de faire partie du comité organisateur de l’événement régional  Cultivons la région, un jardin à la fois, qui a eu lieu à Rouyn-Noranda le 16 février 2019. Dès la première rencontre du comité, les autres membres avouaient être mêlés à ce propos.

En soi, ce n’est pas un problème d’être mêlé entre les différents concepts de projets, car chacun est libre de l’adapter, et au fond, l’important, c’est qu’il y ait des projets de jardins, peu importe que ce soit mêlant ou pas!

Mais mes collaborateurs au comité ont semblé vraiment apprécier la classification des différents types de projets de jardinage « collectif » que je leur ai proposée (que j’avais moi-même appris lors d’une école d’été en agriculture urbaine de l’UQAM, en 2014), et ils ont insisté pour que ce soit clairement présenté à tous les participants lors de l’événement,  parce qu’ils jugeaient que c’était important.

Donc, mon but dans cet article n’est donc pas de nommer tous les projets existants en Abitibi-Témiscamingue, mais de vous partager cette classification générale, en espérant que ça vous aide à définir votre propre projet.

Le comité organisateur de l’événement Cultivons la région, un jardin à la fois, avait choisi de regrouper tous ces projets « collectif » (je mets entre guillemets, car vous verrez que ce terme a une signification précise dans la classification) sous l’appellation générale des « jardins à partager », que je reprends ici. 

Les différents types de projets de jardins « à partager »

1. Le jardin communautaire

Un jardin communautaire, c’est un espace où plusieurs parcelles de jardin sont disponibles en location à des individus privés. C’est l’équivalent de jardiner pour soi-même et chez soi, mais pour ceux qui n’ont pas de cour pour faire leur jardin chez eux, ou encore pour ceux qui préfèrent jardiner en compagnie d’autres personnes.

Donc, même si c’est un lieu où plusieurs jardiniers peuvent se rassembler, partager des trucs, des récoltes ou des tâches, ou organiser des activités, il reste que les gens s’adonnent pour eux-mêmes, en compagnie des autres ou même seuls, à l’activité de jardinage. Les installations et le matériel de jardinage (outils, sources d’eau, etc.) appartenant au jardin communautaire sont mis à la disposition des jardiniers locataires, qui doivent en prendre soin et les entretenir au besoin.

Pour ma part, j’ai partagé une demi-parcelle avec ma belle-soeur, un été, au jardin communautaire d’Amos, et je n’ai rencontré qu’un seul autre jardinier des lieux. Comme nous gérons la culture de notre parcelle à notre convenance (et dans le respect des règles établies par les « gestionnaires » du jardin communautaire, qui eux doivent aussi respecter les règlements municipaux), nous ne sommes pas obligés de prendre nos décisions en commun durant la saison. Ça n’a donc pas adonné que je puisse rencontrer les autres jardiniers, donc mon expérience a été plutôt solitaire. L’année d’après, j’ai commencé à jardiner chez moi, donc l’espace que j’avais a été utilisé par un autre jardinier, qui l’a loué.

Certains jardins communautaires ont une structure de gestion un peu plus « participative » que d’autres, dans laquelle les jardiniers locataires doivent contribuer à l’élaboration et au maintien des règles. Chaque projet est un peu différent des autres, mais dans l’ensemble, il faut retenir que ce n’est pas un « projet partagé », mais bien un « espace partagé » pour plusieurs petits projets individuels.

Pour trouver les jardins communautaires de chaque localité, il suffit souvent simplement de s’adresse à la municipalité, de qui relève ces projets, et qui devrait pouvoir fournir les coordonnées des responsables.

2. Le jardin collectif

Le jardin collectif est différent, parce que c’est vraiment un projet partagé par un groupe spécifique de personnes qui se rassemblent volontairement autour d’un même but. Ce peut être un groupe de citoyens, un groupe de collègues dans une entreprise, une groupe d’étudiants dans une école, une université…peu importe le groupe, ce qui distingue le jardin collectif, c’est que l’ensemble des décisions de culture sont partagées par les membres. Donc, il y a un espace de jardinage, choisi par tous, et ensuite, chacun donne son avis pour choisir ce qui y poussera. Le mode de décision est au choix du collectif (par vote, par consensus, par consultation publique…etc.) mais il reste que les décisions finales sont prises en groupe, ainsi que toutes les responsabilités.

Les récoltes d’un jardin collectif sont partagées entre les membres du jardin, selon la méthode qu’ils ont choisis au préalable (en proportion du temps effectué, divisées également entre les membres, etc.). Les membres peuvent aussi décider de remettre une partie ou la totalité des récoltes à un tiers, comme un organisme d’aide alimentaire! Peu importe la décision, c’est un choix de groupe qui est fait. Les règles sont également déterminées par le collectif. Il peut y avoir des activités d’animation et d’éducation ou non reliées au projet.

3. Potager à partager  

Les projets de type « potagers à partage » et « Incroyables Comestibles » sont très similaires, mais il y a une nuance à faire entre les deux, c’est pourquoi ils ont chacun leur propre catégorie. Dans bien des projets réels sur le terrain, ce n’est pas toujours très clair, si c’est l’un ou l’autre, ou un mélange des deux! 

Quand j’ai vu la première fois sur Facebook passé une publication du GECO, qui montrait ses bacs potagers urbains à partager (donc des bacs disposés dans la Ville de Rouyn-Noranda pour laisser les récoltes disponibles à tout le monde) j’avais demandé en commentaire si c’était un projet « Incroyables Comestibles ». On m’a répondu « Les plantes sont toutes incroyables et toutes comestibles! »

Ça m’a fait rire de bon cœur ; c’est vrai! En même temps, ça m’a fait comprendre que la personne ne connaissait pas le mouvement qui porte le nom « Incroyables Comestibles ».

Donc, pour bien différencier les deux, un potager à partager, c’est simplement un jardin dont les récoltes sont partagées, dans un groupe, ou aux passants. Ce ne veut pas dire nécessairement que la gestion du jardin est partagée.  Si je ne me trompe pas (corrigez-moi si c’est le cas!), je crois que dans le cas du projet du GECO, du moins dans sa première année, la gestion était assurée par les ressources de l’organisme, donc le GECO lui-même. Il consacrait ses ressources (notamment, le salaire d’un employé), pour entretenir les bacs, et il choisissait de faire profiter les passants des fruits de son travail. 

4. Incroyables Comestibles

Pour être un projet « Incroyables Comestibles », toutefois, il faut plutôt que l’essence du projet soit portée par la participation citoyenne en général et que l’entretien soit assuré par les citoyens. À l’origine, du moins, quand ce mouvement a été initié, il n’y avait pas d’employés ou de chargés de projets prévu pour l’entretien du jardin : les potagers, disposés n’importe où en ville où des plantes peuvent poussées (dans une plate-bande en façade d’un bâtiment municipal ou d’un commerce, des bacs, des pots, un terre-plein au centre des rues, au cimetière, dans un parc, peu importe!), appartiennent à tout le monde et sont gérés par tout le monde.

Donc, si personne ne s’en occupe, personne n’aura de récoltes non plus. S’il manque de terre, quelqu’un rajoute une poche. S’il faut arroser, quelqu’un amène son arrosoir. La notion de « vol » n’existe pas dans ce projet, puisque c’est à tout le monde. C’est assez impressionnant de voir que malgré une certaine « anarchie » (donc pas de règles définies ni de supervision), les habitants de la petite ville où ce mouvement est né (en 2008, à Todmorden, en Angleterre) ont réussi à s’occuper de plusieurs potagers et s’alimenter de façon considérable grâce à ces derniers.

Tout a commencé simplement par deux dames qui ont décidé de planter des pieds de rhubarbe dans leur cour avant, tout près du trottoir, pour les rendre disponibles au passant, en indiquant simplement sur un écriteau « Nourriture à partager, servez-vous librement, c’est gratuit! » (en anglais bien sûr ;)). Elles ont progressivement été imitées par leurs voisins, et ça s’est étendu partout en ville.

Bon, on s’entend qu’ils n’ont pas un hiver aussi long et froid que le nôtre, mais il reste que c’est un exploit assez particulier qui est maintenant étudié par des universitaires un peu partout dans le monde, et identifié comme révolutionnaire. Plusieurs centaines de villes ont repris ce mouvement par la suite, et l’idée a été adaptée aux conditions de chaque endroit, toujours en gardant l’idée centrale de « nourriture à partager en libre-service », qui doit être clairement affiché grâce à une pancarte ou un autre moyen. Voici, à titre d’exemple, l’image que j’avais fait pour identifier mes propres bacs:

Identification Incroyables Comestibles

Il n’existe pas de « certification officielle » qui permette de nous inscrire dans ce grand mouvement, car cela reste un mouvement de participation libre. On peut tenter de contacter les personnes les plus impliqués dans ce projet dans notre région et signaler nos propres initiatives si on veut être reconnu par eux. Cependant, il est possible de respecter certains critères et « traditions » pour vraiment respecter l’essence du mouvement :

  1. Installer notre bac ou notre plate-bande Incroyables Comestibles devant chez soi ou dans un lieu public, avec l’affichette pour identifier le bac et signaler aux passants qu’ils peuvent se servir.
  2. Se prendre en photo devant une pancarte de notre municipalité, avec une affiche du mouvement ou une récolte!
  3. Contacter une autre personne impliquée dans le mouvement pour mentionner notre projet
  4. Organiser des événements en lien avec le projet
  5. Sensibiliser les élus municipaux pour favoriser les conditions optimales à la réussite de ces projets

Pour en savoir plus sur ce mouvement, voici un reportage français de 3 minutes qui fait un excellent résumé et qui donne envie!! 

Un projet local, ça prend une recette avec des ingrédients locaux

Une fois qu’on comprend bien la nuance entre les différents types de projets, c’est le temps de choisir le mode du projet qui nous convient le mieux et de l’adapter à nos ressources et nos contraintes.

Je vous ai parlé de 4 grands types de projets de jardins différents (le jardin communautaire, le jardin collectif, le potager à partager et le mouvement Incroyables Comestibles), mais il y a plein d’autres idées possibles qui existent ou qui peuvent être inventées.

Et quand on a choisi le type de projet qu’on veut, il reste aussi à choisir, quel type de jardin on fera! Un potager? Un aménagement paysager comestible? Une forêt nourricière? Ça, c’est une autre longue histoire, je parle des grandes possibilités dans un autre article. 

Bref…les possibilités sont aussi nombreuses que le nombre de personnes prêtes à s’engager dans de tels projets.

Le comité aviseur de l’événement Cultivons la région, un jardin à la fois a d’ailleurs travaillé sur une belle page de ressources disponibles pour les porteurs qui désirent créer ou maintenir un projet de jardin partagé : financement, guides de projets, guide de culture et exemples de certains projets en Abitibi-Témiscamingue, c’est une vraie mine d’or! Jetez-y un coup d’œil à ce lien

Si vous inventez un nouveau type de projet, faites-moi en part, que je puisse l’ajouter dans cet article!

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